Le chat, phénomène de société
Les deux dernières décennies marquent un bond en avant, dans la société occidentale, de la place accordée au chat. C’est aux Etats-Unis et en France que cet animal devient le premier compagnon de la famille. Il détrône le chien. Il entre au cœur des foyers. Les propriétaires d’animaux domestiques se tournent vers lui pour des raisons différentes. Toutefois, tous les chats ne bénéficient pas de la même qualité de vie ni d’une identique prise en charge.
En nombre et en qualité
A l’image de l’inversement de tendance qui s’est produit aux Etats-Unis, le chat est maintenant le premier animal de compagnie possédé par les Français. En 2004, ce sont 9,7 millions de ces animaux qui partagent leur vie. Et 25,8 % des foyers ont au moins un chat. Pour une large majorité (46 %), le chat vit dans une famille composée de 3 personnes et plus. En France, les chats sont essentiellement présents (53 %) dans des agglomérations de moins de 20.000 habitants. Les motivations des maîtres expriment une relation différente avec cet animal. Moins utilitaire que pour le chien, le lien au chat est évoqué pour des raisons d’agrément. L’amour des animaux est avancé par 71 % des propriétaires. La compagnie est leur seconde réponse avec 50 %. Toutes les catégories socio-professionnelles sont représentées parmi les possesseurs de chat, même si, en majorité, le chat est accueilli au sein des classes moyenne et supérieure et dans des secteurs d’activité libérale, artistique et de management.
L’inégalité des chances
Les zones urbaines et péri–urbaines proposent une prise en charge médicale et des services pour le chat, qui ne trouvent pas toujours leur équivalent en secteur rural. Les habitants des villes expriment des attentes en matière de soins, d’alimentation et d’entretien, qui tirent vers le haut l’offre des praticiens vétérinaires, des industriels et des prestataires de services. La mode s’empare aussi parfois de cette forme d’engouement pour le chat. Mais tout cela ne vaut qu’à la condition que le chat ait un propriétaire. Avoir un maître responsable est une garantie de traitement qui diffère selon la loi et dans les faits. Introduite dans le texte de 1999 et précisée par la réglementation d’application, la notion de chat libre, placé sous l’autorité municipale, peine à se généraliser. Sans l’intervention d’associations (vétérinaires et/ou de protection animale), les élus locaux considèrent avec peu d’enthousiasme la nécessité d’une gestion adaptée des populations de chats errants. La stérilisation des mâles et des femelles errants ainsi que l’euthanasie de leurs portées incontrôlées, reste la recommandation la plus efficace.
Un consensus favorable
Un positionnement évolutif
Le chat occupe une place dans l’opinion française qui a beaucoup évolué. Le législateur le reconnaît en lui accordant un statut particulier. Sans cesse en mouvement, la niche sociologique de cet animal subit l’influence de la perception que le public a de lui. Les Français, tous confondus, expriment une image positive du chat. Les pouvoirs publics prennent en compte ces variations vers le haut en adoptant de nouveaux textes et en engageant une réflexion de fond relative à son régime juridique. A l’image des pratiques américaines, l’obligation de moyens apparaît dans les attentes des maîtres, face au praticien vétérinaire, dans la prise en charge de leur chat. « Dans le respect des règles déontologiques, le vétérinaire doit être particulièrement vigilant à ne pas sous-estimer l’attachement affectif du propriétaire à son chat, donc l’aborder et l’informer selon son attente » (article 242-48 du code de déontologie).
C’est autour d’un relatif consensus que s’organise l’opinion publique hexagonale lorsque le chat est évoqué. Entre les possesseurs et les non–possesseurs, il existe une bienveillance à son endroit. Malgré une image persistante d’indépendance accordée au chat, les Français considèrent le chat différemment selon l’environnement dans lequel ils sont nés et ont grandi. Ils s’accordent mal sur le débat entre leur responsabilité et la liberté du chat. D’ailleurs, posséder un chat donne le sentiment au maître d’être élu par un être libre. La séduction est l’un des attributs majeurs qui différencient le chat du chien pour les maîtres.
Le droit interrogé
Depuis 1976, où les textes législatifs sur la protection de la nature ont accordé un statut à l’animal, le chat a fait l’objet de dispositions toujours plus avancées en sa faveur. La loi de Janvier 1999, avec ses mesures d’application relatives à l’élevage et à la commercialisation des animaux de compagnie, entérine des obligations et des pratiques pour les intervenants de ces filières. Le Certificat de Compétence en Elevage Félin (CETAC) en vigueur requiert, pour son obtention, une compétence plus grande des éleveurs félins. La loi précise aussi la notion d’animal de compagnie. La conséquence des traités, de la constitution et de la convention européens constitue la nécessité pour la France de reconnaître au chat sa qualité d’être sensible et d’assurer les exigences de son bien-être. L’évolution de la place du chat dans notre société est la conséquence du rapport qu’entretiennent les maîtres avec leur animal. D’ailleurs, les médecines alternatives prennent une place croissante. Un lien étroit existe entre la nature de la relation instaurée entre le chat et son propriétaire et les attentes en matière de prise en charge médicale. L’investissement affectif majore le niveau des résultats attendus et des moyens mis en œuvre. La conséquence sur le plan légal est constatée aux Etats-Unis avec un accroissement des recours contentieux au travers de procédures judiciaires.
Communication aux vétérinaires de Jean-Luc Vuillemenot
Secrétaire général de l’AFIRAC – Paris (association française d’information et de recherche sur l’animal de compagnie)
Références
(1) ANTOINE S. Rapport sur le régime juridique de l’animal. Ministère de la Justice. 2005:50 pages.
(2) GLOVER S et coll. Human-Animal Bond : Implications for the Pratice of Veterinary Medecine as Reflected in Perceptions of Practionners, Owners’ Expectations and the Law. 10th International Conference on Human-Animal Interactions handbook. 2004:39.
(3) MARTIN F et coll. Perceptions on Human-Animal Bond (HAB) educationand the role of the HAB in private pratice by veterinarians in Washington state. 10th International Conference on Human-Animal Interactions handbook. 2004:44.
(4) Convention Européenne sur la protection des animaux de compagnie. Conseil de l’Europe. 1987:10 pages.
(5) Déclaration Universelle des Droits de l’Animal. UNESCO. 1978.
(6) Loi N° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.
(7) Loi N° 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection animale.