A l’origine, les premiers félins pouvant prétendre au titre de « chat » furent les felis sylvestris sylvestris dits » chats forestiers » encore bien présents dans certaines de nos campagnes. Les premiers chats pouvant prétendre au titre de chat domestique ou felis sylvestris catus ( anciennement felis catus domesticus ) furent sans doute importés lors de la conquête romaine.
D’après les représentations que l’on en a, ces chats étaient de type « européen » , tel qu’il est décrit dans le standard actuel du european shorthair et de robe brown tabby (génétiquement noire )
La présence de chats noirs non tabby , c’est-à-dire unis, est attestée dès l’Antiquité tardive et bien établie au Moyen-âge comme en attestent les persécutions dont ils firent l’objet . Sans doute originaires du Proche-orient, ils auraient selon la tradition été introduits en Europe par le biais des Phéniciens.
Les chats bleus des naturalistes
La toute première référence à des chats « bleus », c’est-à-dire gris, est le poème de Joachim du Bellay, » Vers Français sur la mort d’un petit Chat… . » ( 1558 ) , consacré à Bélaud, son « petit chat gris ». Même si la description de la robe de Bélaud laisse à penser qu’il s’agissait sans doute d’un chat bleu tabby, l’auteur fait nettement allusion à la présence déjà bien répandue en France de chats bleus non tabby :
Tout laisse à penser que l’introduction du « gène bleu » (Bdd ) remonte au temps des croisades : la présence de petits félins sur les navires étant vitale pour protéger les vivres des rongeurs , il est fort probable que les navires aient embarqué à leur retour des chats porteurs de ce gène déjà présent chez les chats du Moyen-Orient , notamment chez les chats de Perse.
Le nom de « chat des chartreux » donné par la tradition populaire au chat bleu de France associera par la suite cette variété de chats à l’ordre religieux du même nom sans que l’on puisse déterminer avec certitude le rôle joué par les moines chartreux.
A partir du XVIII siècle, les naturalistes décriront le chartreux sous le nom felis catus coeruleus ou felis catus carthusianorum .
Au fil du temps, le chat des chartreux fut donc utilisé comme chat ratier , comme chat de compagnie , et fut même un temps utilisé par les pelletiers pour sa fourrure !
Chartreux « modernes »
Chacun connaît le rôle joué avant guerre par les demoiselles Léger dans les premières tentatives de sélection humaine à partir des chats bleus de Belle-île avec la première Mignonne de Guerveur .
Cette première génération de chartreux n’a malheureusement pas laissé de descendance connue dans nos lignées actuelles .
D’autres éleveurs jouèrent le même rôle , dans le Massif Central notamment , utilisant d’abord pour reconstituer la race chartreuse des chats bleus dits « feral » qu’ils croisèrent avec du persan, et, par la suite , pour pallier de graves problèmes de consanguinité, à du british blue , ou du bleu russe et de l’européen bleu ou noir porteur de dilution. Un subtil mélange qui redonna un chat bleu, massif, laineux et robuste, aux yeux d’or. Citons notamment les élevages de : Trévise, Chantelauze, Andeyola, Fernine, Saint-Pierre … .
Tous nos chartreux actuels sont les descendants de ces premiers chartreux. Les demoiselles Léger importèrent à trois reprises des chats du continent (Calou de Trévise, Titus de Saint-Pierre et Pussy-Prince de Fernine ) pour les introduire comme étalons dans leurs lignées.
Cependant, les Britanniques, avec le talent qu’on leur connaît dans le domaine de l’élevage , travaillèrent de leur côté et le « chartreux anglais » ( issu lui aussi de croisements entre européens et persans ) entra en concurrence avec le chartreux français au point de l’évincer, notamment dans le milieu des expositions félines.
En 1970, la Fédération Internationale Féline décida donc de réunir sous un même standard le chartreux français et son homologue anglais le British Blue.
– Cependant, le type du BB (plus cobby, au nez plus court et stoppé) différait quelque peu de celui du chartreux français traditionnel, considéré comme race naturelle authentique dans la thèse présentée par Jean Simonnet en 1972 et 74. La Fifé s’inclina et sépara de nouveau les deux standards en 77. Les croisements entre les deux races furent dorénavant « déconseillés » par la FIFé.
Forts de ce succès , les tenants du « vrai » chartreux , regroupés sous l’égide de Jean Simonnet, entreprirent de défendre les lignées présumées exemptes d’hybridation et notamment de sang british , couramment appelées » hautes lignées » . Le mythe du « pur chartreux » était né ! Tout chat convaincu d’ascendance british, proche ou lointaine, fut évincé par les instances du Club du Chat des Chartreux.
Les premières banques de données , notamment celles d’Alfons Götz et de Peter Rooney , marquèrent un nouveau tournant rappelant des réalités incontournables sur l’histoire de la race et les problèmes liés à l’appauvrissement du pool génétique (diminution du gabarit et de la fécondité , baisse immunitaire, résurgence des tares … ).
Beaucoup, par ailleurs, pour des raisons variées, avaient continué à défendre et à travailler des lignées moins restreintes. Au fil des générations, force était de constater que les chartreux obtenus étaient tout aussi appréciés des juges et du public et reconnus par le LOOF, Livre Officiel des Origines Félines ( regroupant depuis 1999 les anciens livres d’origine de la Fédération Féline Française et des clubs indépendants français).
Le LOOF, de son côté, considérant que le pool génétique de la race était suffisant , interdit les mariages autres que chartreux / chartreux, autorisant cependant depuis 2007 l’apport de sang neuf par le biais des RIA et des RIEX.
Enfin, depuis 2008, les pedigrees étrangers devraient être conformes aux normes du LOOF pour être reconnus pas le LOOF.
– Toutes les conditions étaient désormais réunies pour la création d’un club de race unitaire et résolument tourné vers l’avenir.
Et c’est ainsi qu’est né le Cercle des Amis du Chartreux, de la volonté passionnée d’un petit groupe d’amateurs, éleveurs ou particuliers, de voir reconnue à part entière la race chartreuse afin de la préserver et de l’améliorer.
Par Françoise Géranton et les fondateurs de l’Association – 2009